🔸 Introduction
Au Sénégal, chaque période électorale rouvre le même débat : qui peut être candidat et qui ne peut pas l’être ?
Si l’éligibilité définit les conditions permettant de se présenter, l’inéligibilité fixe les limites qui en empêchent l’exercice.
Mais être déclaré inéligible n’est pas une simple formalité administrative, c’est une décision aux conséquences juridiques et politiques considérables.
Le Code électoral sénégalais, la Constitution, et les décisions de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) et du Conseil constitutionnel déterminent précisément les cas où un citoyen perd ce droit fondamental.
Cet article explore en quatre étapes ce qu’est l’inéligibilité, comment elle s’applique, ses effets, et les réflexes à adopter face à une telle situation.
1️. C’est quoi, être inéligible ? : un droit suspendu, pas supprimé
Être inéligible signifie qu’un citoyen ne peut pas se présenter à une élection, même s’il remplit les conditions d’âge, de nationalité et d’inscription sur les listes électorales.
Selon l’article L.31 du Code électoral sénégalais, “nul ne peut être candidat à une élection s’il ne jouit pas de ses droits civiques et politiques.”
Autrement dit, l’inéligibilité découle de la perte temporaire ou permanente du droit de participer à la vie politique.
Elle ne remet pas en cause la citoyenneté, mais empêche d’exercer certains droits attachés à cette citoyenneté : se présenter, voter, ou diriger une liste électorale.
Il existe deux formes principales :
L’inéligibilité automatique, prévue par la loi pour certaines situations (condamnation, incapacité légale, fonction incompatible).
L’inéligibilité prononcée, décidée par un juge ou une autorité électorale à la suite d’une infraction ou d’une irrégularité.
🔸 Mais comment un citoyen peut-il en arriver là ?
2️. Comment devient-on inéligible ? : la loi, le juge et les fautes
Plusieurs situations peuvent conduire à une inéligibilité au Sénégal.
🔹 a) Les condamnations pénales
L’article L.32 du Code électoral précise que toute personne condamnée pour certains crimes ou délits peut être déclarée inéligible notamment pour fraude, corruption, détournement de deniers publics ou falsification.
Cette mesure découle d’une peine complémentaire prévue par le Code pénal, destinée à protéger la probité de la vie publique.
🔹 b) Les atteintes aux droits civiques
Toute personne ayant perdu ses droits civiques et politiques (décision judiciaire ou mesure administrative) devient automatiquement inéligible, jusqu’à leur rétablissement.
🔹 c) Les incompatibilités fonctionnelles
Certains postes rendent temporairement inéligible : magistrats, militaires en activité, gouverneurs, préfets, etc. Ces restrictions visent à préserver la neutralité de l’administration publique.
🔹 d) Les manquements électoraux
Des irrégularités comme le non-respect du parrainage, la fausse déclaration patrimoniale, ou la non-transparence des comptes de campagne peuvent entraîner une inéligibilité prononcée par le Conseil constitutionnel ou la CENA.
🔸 Mais une fois qu’elle est prononcée, quelles sont les conséquences concrètes ?
3️. Quand le droit s’éteint : les conséquences juridiques et politiques
Être inéligible entraîne des conséquences lourdes, tant sur le plan juridique que sur le plan politique.
🔹 Sur le plan juridique
L’inéligibilité prive le citoyen de son droit de se présenter à une élection pendant une période donnée.
Le Conseil constitutionnel peut rejeter sa candidature dès la phase de validation des dossiers.
Toute candidature déposée malgré une inéligibilité constatée est déclarée irrecevable.
En cas d’élection irrégulière, le résultat peut être annulé.
🔹 Sur le plan politique
L’inéligibilité d’une personnalité publique peut bouleverser un paysage électoral.
Elle peut :
provoquer une réorganisation des alliances politiques ;
réduire la confiance des électeurs envers le système judiciaire ou électoral ;
ou, au contraire, renforcer le sentiment de crédibilité du processus démocratique, si la sanction est perçue comme juste.
🔸 Mais que peut faire un citoyen ou un candidat confronté à une telle situation ?
4️. En cas de doute, que faire ? : les bons réflexes du citoyen averti
Face à un doute sur son éligibilité, un citoyen doit adopter une posture proactive et responsable.
🔹 1. Vérifier sa situation juridique
Avant toute candidature, il est recommandé de consulter les textes électoraux (disponibles sur dge.sn) ou de demander une attestation d’inscription sur les listes électorales.
🔹 2. Contacter les autorités compétentes
La Direction Générale des Élections (DGE) et la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) peuvent informer sur la validité d’une candidature ou sur les causes d’une éventuelle inéligibilité.
🔹 3. Faire appel des décisions
En cas de décision d’inéligibilité, le citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel dans les délais légaux, qui statue en dernier ressort.
🔹 4. Anticiper et prévenir
Une condamnation pénale ou une mesure administrative n’est pas une fatalité.
La réhabilitation, le paiement des amendes ou la régularisation administrative peuvent rétablir les droits civiques et politiques.
🔸 Car dans une démocratie, l’information est la première protection du citoyen.
🔸 Conclusion
L’inéligibilité n’est pas une sanction arbitraire : c’est un instrument juridique au service de la moralisation de la vie publique et de la crédibilité du processus électoral.
Le Code électoral sénégalais, en posant ces limites, cherche à garantir que les représentants du peuple soient irréprochables.
Mais elle rappelle aussi une vérité essentielle : participer à la vie politique suppose de respecter les règles du jeu démocratique.
Informer, prévenir, anticiper, voilà les clés d’une citoyenneté consciente et d’un système électoral sain.
🔸 L’inéligibilité, quand elle est comprise, devient moins une exclusion qu’une invitation à la responsabilité.